Que non. Le juge d'instruction fit voler la serpette par un indigène qui avait été envoyé dans la demeure de
M.Hugon, tandis que ce dernier, régulièrement convoqué, était dans le cabinet du juge de paix de Tablat.
La serpette portait des traces rougeâtres .
On déterra le cadavre du fonctionnaire assassiné et l'on constata que les bords de la serpette s'adaptaient exactement
aux blessures que portaient la tête et la nuque.
M.Hugon fut inquiété et emprisonné pendant un an. Mais Parroches n'osa pas faire figurer officiellement la
serpette dans l'affaire .C'était un objet volé et non un objet légalement saisi.
Vous voyez de là les protestations des avocats si on avait étalé sur la table des pièces à conviction une
serpette volée par un arabe avec la complicité du magistrat instructeur.
Faute de preuve, Hugon -dont le nom revient encore à toutes les lignes de l'acte d'accusation- bénéficia de
la part de la Chambre des mises en accusation, d'une ordonnance de non lieu qui navra M.Parroches.
C'était à leur sujet que fut soulevé l'incident appelé,affirme-t-on, à prendre des proportions plus graves
encore.
Les trois avocats, auteur de cet incident,sont: M° Ladmiral, la bête noire de l'administration;M°
Paul Tedeschi, le bout-en-train du parti Jeune avocat;et M° Foissin, peu accoutumé aux protestations bruyantes.
Il parait à peu près certain -on le dit,du moins- que trois des indigènes,membres de la Cour criminelle, n'ont été cités
comme témoins par la défense que pour amener precisément le renvoi de l'affaire à une autre session.
Il n'y aurait à cela rien d'étonnant. Les assesseurs musulmans appelés à statuer sur le cas des
inculpés de l'assassinat d'Aumale étaient : le khodja de la
commune mixte d'Aumale; l'aoune de la justice de paix d'Aumale; un notable de Birabalou,commune
voisine de Tablat; et un quatrième indigène de la région.
Il se peut très bien que cette malheureuse composition soit le fait du seul hasard. Mais il n'en était
pas moins dangereux pour les indigènes de se faire juger par ses coreligionaires,fonctionnaires à Tablat même ou dans les environs.
On reproche -et non sans raison- à l'administration de ne prendre que des fonctionnaires comme
assesseurs-jurés musulmans des Cours criminelles.On désirerait que son choix se portât plutôt sur des notables indigènes lettrés habitant les grandes villes.
Et de fait, l'administration au lieu de faire appel à ses khodjas, ses aounes,ses cadis,ses bach-adel,etc.,etc.,pour
rendre la justice,agirait plus sagement en désignant des indigènes indépendants,capables d'apprécier une cause sans subir une influencefacile, bonne ou mauvaise.
L'Affaire de Tablat reviendra dans trois mois . En même temps sera plaidé le procès des Cours criminelles.
Et le mot pour rire sera donné par M.Parroches,juge d'instruction,qui,poue être logique avec lui-même,sera contraint de
déclarer à ses chefs qu'ils se trompent et que pour lui le seul,le vrai coupable,c'est toujours M.Hugon.
Décidément,nous n'avons pas encore atteint l'idéal,en Algérie en matière de
justice... ( suite et fin ).
L'administrateur -gérant: P.POMES.